Réflexion pour construire des liens qui nous font grandir

 

Il n’aura échappé à personne de constater que nos références en matière de lien ont changé. Nous ne nous construisons plus les uns avec les autres de la même manière. Dans la famille, au travail, dans nos communautés de croyances religieuses ou politiques, dans toutes les sphères de notre vie quotidienne en réalité, nos repères évoluent vers une plus grande diversité. Dans ce contexte de grande complexité, qui génère beaucoup de confusions et de régressions, il convient pour l’individu de retrouver le plus simplement possible le chemin des liens qui vont le faire grandir.

Nous savons la nécessité absolue du lien avec les autres pour le développement de l’individu. Privé de ce lien, l’individu meurt dans une absence de sens. L’autre m’aide à prendre conscience de ce qui fait sens pour moi. C’est aussi à travers l’autre que je peux reconnaître mes propres valeurs et me reconnaître dans ma valeur. Aussi est-il plus que jamais important dans nos innovations sociales de prendre soin de cette aspiration individuelle à reconstruire ce qui n’est plus en termes de lien avec l’autre.

 

Quelques éclairages fondamentaux sur la notion de lien me semblent alors particulièrement aidant pour aborder ce travail de reconstruction de la manière la plus juste possible.

 

Il existe souvent une confusion entre deux notions qui nous emmène, selon la manière dont on les distingue, dans des directions totalement opposées dans nos manières de ressentir nos liens, de les considérer et d’agir avec eux. En effet, aborder la question du lien suppose dans un premier temps de différencier la notion d’attachement et la notion d’amour.

Si nous définissons comme liens d’attachement, au sens propre du terme, l’ensemble des liens qui ont tendance à nous retenir dans notre développement, nos liens d’amour seraient plutôt ceux facilitant celui-ci. On peut alors considérer qu’il est plus juste, dans l’intention de notre croissance, de privilégier nos liens d’amour plutôt que nos liens d’attachement. Je vous invite donc à discerner dans chacun de vos liens quelle est la part d’attachement et la part d’amour que vous entretenez. Je vous invite à diriger votre énergie dans des actions de détachements lorsque vous vous sentez attachés ainsi que dans des actions visant à renforcer vos liens lorsque vous vous sentez aimé.

 

Pour faire ce travail, il me paraît ici important d’apporter un autre éclairage sur la notion de lien en le considérant cette fois-ci sous l’angle de la relation ; Car tout lien est une relation.

 

Poursuivons en posant le fait que toute relation contient la notion d’échange et que l’échange contient lui-même deux actions : celle de donner et celle de recevoir.

Apprécier la justesse du lien ou de la relation, c’est apprécier la justesse de cet échange entre l’acte de donner et celui de recevoir. Bien entendu, la relation est juste lorsque l’énergie mise dans l’action de donner nous revient entièrement dans l’action de recevoir.

Mais sortons tout de suite d’une autre confusion qui guette ici encore. Dans chaque relation, nous sommes bien émetteurs dans ces deux actions, l’une de donner et l’autre de recevoir. Dans chaque relation, l’autre est également émetteur de ces deux actions. La conséquence est que dans chaque relation, nous sommes donc responsables de ce que nous donnons et de ce que nous recevons.

La confusion serait ici de penser que ce qui ferait la qualité de l’échange serait dans la qualité de l’objet échangé alors que l’échange s’apprécie dans le fait de reconnaître l’autre pour ce qu’il donne ou ce qu’il reçoit en tant qu’émetteur dans un cadre de référence commun.

Le cadre de référence est une sorte de zone connue et reconnue par avance ou construite ensemble dans l’intention respective de se reconnaître mutuellement. Ce cadre de référence commun est le fondement de tout échange. Plus le cadre est connu de chacun, plus l’échange peut être fertile. Cette zone partagée permet à chacun d’émettre les actions de donner et de recevoir librement dans la même direction de ce cadre, offrant la confiance et la sécurité de la relation avec l’autre. La relation devient insécurisée ou « injuste » lorsque l’une des personnes engagées dans la relation se met à donner et à recevoir dans une autre direction ou en dehors de cette zone reconnue de l’autre. Il faut alors se remettre d’accord sur les limites de la zone pour retrouver la sécurité initiale dans la relation.

À ce point de notre analyse, nous pouvons penser que ce qui crée les communautés réside alors bien davantage dans la capacité de se mettre d’accord sur un cadre de référence que dans la capacité à trouver l’objet de ce cadre.

L’apprentissage de l’autre sous cette forme est un axe de développement considérable pour l’individu et le groupe, en quête de reconnaissance.

 

Il y a certes une part de deuil individuel ou de renoncement à mon propre cadre de référence dans ce nouveau lien avec l’autre, mais j’obtiens la reconnaissance dont j’ai besoin.

 

Je rejoins ici le propos de mon ami Thierry Anglès d’Auriac qui, dans son ouvrage « Fragilité et bienveillance, un chemin vers soi » (Éditions des Béatitudes), nous invite à reconnaître, tout comme notre propos, que « le besoin premier de l’homme est de grandir en amour » (réponse à l’injonction suprême d’une « réalisation de soi » contenu dans l’air du temps et qui ne fait pas grand cas de « l’autre » ) et que « c’est par un décentrage de soi que le besoin de connaissance de soi va trouver sa meilleure réponse ». L’auteur ira plus loin dans l’analyse en avançant que pour lui « ce sont les rencontres en humilité qui vont nous aider à faire ce chemin. L’acceptation des fragilités et la bienveillance en seront les piliers ».

Les champs d’application sont multiples, ils concernent l’entièreté de nos relations avec les autres, mais aussi, par abstraction, nos relations avec par exemple notre travail, notre famille ou encore, et pourquoi pas, nos rêves…

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